Le film est plutôt d'une platitude extrême, quoique cette platitude ne soit pas tout à fait la même dans la première et la seconde partie.
D'abord il y a le mauvais téléfilm : ce sont les retrouvailles entre Tilda Swinton et Julianne Moore et les flash-backs embarrassants de la vie de Swinton. Le décor n'est déjà qu'un décor (on y reviendra) mais ce qui frappe surtout c'est l'extrême simplicité de mise en scène des dialogues : plan d'ensemble, champ, contrechamp. C'est peut-être lié pour une part au lifting excessif de Julianne Moore mais j'ai eu l'impression lors de ces scènes de dialogue qu'aucune des deux actrices ne se regardaient dans les yeux. Swinton a l'air toujours occupée à fixer quelque chose sur la poitrine de Moore, et inversement Moore est perturbée par quelque chose derrière l'oreille de Swinton, ou pas très loin. Littéralement, elles n'ont pas l'air sur le même plan. Autre dissonance aussi, on ressent que les deux actrices, piégées dans un premier degré très américain, déploient leur jeu dans un film qui semble dans un premier temps un peu à double-fond. Et puis le récit se déplace en forêt, à Woodstock, et on quitte alors le mélodrame d'hôpital pour une sorte de périple stoïcien vers la mort. La maison choisie, une succession de blocs de béton aux intérieurs décorés par Mobalpa, est posée dans une forêt de publicité, et par ailleurs percée très régulièrement de grandes baies vitrées. C'est là qu'apparaît peut-être le plus clairement le seul élément qui m'ait accroché et qui révèle une partie de l'entreprise du réalisateur : le décor. Il est intéressant de constater que l'incursion américaine d'Almodovar a commencé avec deux courts-métrages qui investissaient chacun un décor de cinéma comme un décor de cinéma. Le western d'abord, avec ce que ça comporte de cow-boy folklorique (mais on ne voyait pas vraiment de paysage il me semble), et puis directement le plateau de cinéma dans "La voix humaine" (déjà avec Tilda Swinton). De ce point de vue, j'ai l'impression que "La chambre d'à côté" est un prolongement de ce travail sur le décor. Sauf qu'il n'est pas arpenté en tous sens cette fois (il y a des parties de la maison qu'on ne verra jamais), mais il défile derrière les personnages, comme une transparence hollywoodienne. Et les personnages sur cette transparence menacent à tout moment d'être avalés par elle (spoiler : ça arrivera). Déjà dans la première partie, on remarque que l'artificialité du décor est assumée par Almodovar (transition cinéma-appartement mentionnée par mon VDD), et cela est encore plus marqué dans cette seconde partie, toute en surface vitrée. Bref, visuellement je trouve qu'il y a quelque chose à gratter.
Ça c'est l'argument esthétique, mais pour le reste j'avoue être plutôt dubitatif. Sans connaître vraiment à fond la carrière d'Almodovar (dont je me rends compte que je n'aime pas les films tant que ça), il me semble que cette dernière partie est vraiment très en deçà de ce qu'il a pu faire ne serait-ce qu'à l'orée des années 2000. Le film est sur une note et la tient, mais est quand même parfois embarrassant (la première partie, bien que cela soit peut-être intentionnel) et donne souvent l'air de pontifier sur des grands sujets. Julianne Moore doit faire entre son amie mourante et son amant désespéré, et même si cette pesanteur culmine dans une scène de café assez drôle, Almodovar cherche plutôt sérieusement la réponse à son équation métaphysique : comment vivre, et comment mourir ? C'est une question qui m'intéresse, évidemment, mais je ne crois pas qu'elle soit soluble dans ce mélo ataraxique. En tout cas il y a quelque chose qui ne prend pas entre l'univers toc dépeint et le cinéma de l'Espagnol. D'ailleurs il est plutôt curieux qu'Almodovar, dont les films sont toujours socialement assez situés il me semble, fasse ici complètement l'impasse sur le statut économique de ses personnages. On commence dans une bulle, il y a du grabuge en chemin mais à la fin, la bulle est toujours là et on peut se dorer la pilule sur une chaise longue très design. Quelqu'un est mort, mais tout va presque bien.
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Ce film présente la (fin de) vie de Marta qui veut se suicider, elle avait un cancer, ses traitements ne la soulageaient pas et elle décide d'en finir. Néanmoins, cette femme ne souhaitait pas finir sa vie seule et elle demande à une de ses amis, Ingrid, de l'accompagner, dans une maison de campagne, pour qu'elle ne soit pas seule lors de son suicide. Elle va finir par le faire, son ami aura quelques problèmes avec la police mais réussira à s'en sortir.
Marta était une reporte de guerre, qui n'a jamais eu peur de la mort car se savait toujours accompagné, mais se savoir seule face à la mort la terrorisait. A contrario, Ingrid est une autrice qui est terrorisée par la mort et en parle dans son livre. C'est cette rencontre de ces deux anciennes amies qui va les pousser au pied du mur, les faire grandir.
Le film est, je trouve, magnifique. J'ai vraiment été porté par ces discussions sur des sujets extrêmement profonds entre ces deux femmes (cancer, mort, suicide) oscillant sur le ton lui-même, en particulier grâce au personnage de Marta qui, dès qu'Ingrid commence à se faire à l'idée de l'accompagner, reprend goût à la vie. C'est vraiment terrible, on se dit que cette femme va reprendre l'envie de continuer à vivre et non, elle est heureuse de pouvoir mourir. J'ai en particulier cette scène où les deux femmes se réunissent au cinéma pour voir un film et on voit ce passage d'avant à après le cinéma, ces deux femmes qui abordaient ce même sujet épineux en continu et que j'ai trouvé extrêmement touchant.
Une fois dans cette maison de campagne, elles vont se mettre dans deux chambres séparées, très proches l'une de l'autre. Elles vont passer du temps ensemble, au bord de la piscine, regarder des films ensemble etc. Elles ont prit un code ensemble: si Marta ferme un jour sa porte, c'est qu'elle aura décidé de se suicider. Un jour, pour une raison non claire, la porte est fermée et, Ingrid voyant ça, va commencer à pleurer son amie disparue, va vomir de dégoût dans l'évier de la cuisine, tout ça pour la voir un peu plus tard. Cela aura tout de même permit de lui apprendre en avance ce qui arrivera le jour j. Le vrai jour, elle prendra son courage à deux mains, restera calme et appellera la police. Elle appellera également la fille de Marta (avec qui elle était brouillée, elle ne se parlaient plus depuis des années) pour lui dire tout ce que Marta n'a jamais réussi à lui dire.
Socrate disait que philosopher c'est apprendre à mourir, avec ce film je dirais, philosopher c'est apprendre à voir ses proches mourir. Cette mort de l'autre, aussi proche d'Ingrid, lui permet d'apprendre énormément de chose, à retrouver une foi en l'humanité, perdue par un autre ami de Marta qui l'accompagnait lors de ses reportages de guerre.
Bref, je trouve que l'alchimie entre ces deux personnages, pleins de compassion, filmés extrêmement près, jamais avec un jugement, toujours à hauteur d'homme, est vraiment magistrale. On voit également une sorte de tension, presque amoureuse mais toujours platonique entre ces deux femmes. Mais rappelons qu'Almodovar parle dans presque tous ses films d'homosexualité, au moins en fond et ici aussi, on le voit dans les scènes à l'étranger durant une analepse.